

I CAPULETI E I MONTECCHI
Bellini
Sur scène, le dépouillement laisse place à l’essentiel…
Cinq personnages, prisonniers de leur conditionnement se débattent, se croisent, se perdent, chutent…
Par-delà le romantisme du mythe ancré dans l’inconscient collectif, Bellini pointe par la construction de son opéra la complexité de la relation entre les êtres dont les projections abolissent la rencontre… Des lignes de force semblent les guider pour mieux les perdre, les vulnérabiliser jusqu’à l’absurdité d’une mort rédemptrice.
Au centre de la scène un fauteuil. Contre le mur du fond, le portrait du père de dos. Représentation d’une autorité patriarcale rigide et insensible. Nous sommes dans la chambre de Juliette. Lieu où se déroule le drame, lieu unique, symbole d’enfermement et de violation pour l’héroïne incapable de fuir, déchirée entre l’amour et le devoir filial, prisonnière de la loi du père. L’espace intime de la jeune fille, dépersonnalisé, devient un espace géopolitique où les familles ennemies s’affrontent, où les amants se rencontrent, où la mort advient.


La place que prend Tebaldo aux yeux du père, cette place de fils favori, est ici représentée par un duo langoureux qui sème la confusion et soulève l’ambiguïté. A travers ce moment chorégraphié, on en apprend aussi un peu plus sur le personnage de Lorenzo, qui, seul, un verre à la main, observe le bal… A croire qu’il le dirige. On interroge ici un côté sombre et manipulateur de cet électron libre qui voyage entre les Capuleti et les Montecchi.
Puis le livret repart, réveil brutal de la réalité, les possibles s’effondrent, les fonctionnements internes reprennent le pouvoir. Et c’est la course à la chute.
Au milieu des deux actes, un moment de danse vient suspendre l’impasse dans laquelle se trouvent les personnages, enfermés dans leurs impossibilités respectives. Cet instant vient bouleverser tous les points de résistance. Nous sommes dans l’espace «des possibles», celui du désir souterrain qui s’autorise à être. S’exprime alors la rencontre des corps. Roméo et Juliette prennent l’espace, s’épanchent, s’unissent, s’enlacent, suspendent le temps d’une rêverie.
création : 2010
Salle Cantonale Bordeaux Bastide

